Le lac – Poème d’Alphonse de Lamartine

En souvenir d’une magnifique journée sur le lac enchanteur du Bourget et le vert canal de Savières :

Le lac - canal de Savière - 2008

Alphonse de Lamartine publie Les Méditations Poétiques  en 1820 et obtient un succès retentissant.

Le recueil des Méditations poétiques regroupe 24 poèmes qui auront été comme le premier manifeste du romantisme français. Il constitue une sorte de journal intime des expériences vécues par le poète entre 1815 et 1820, dont la plus célèbre fut inspirée par Julie Charles, la femme aimée évoquée dans « Le Lac ».

Le poème, d’abord intitulé « Ode du Bourget« , a été composé entre le 27 août et le début du mois de septembre 1817.

Lamartine se souvient de Julie. Le poète se trouve dans un lieu qui lui est cher, près d’un lac, qui a été le témoin de ses amours, et lorsqu’il y revient sans la femme aimée désormais morte, il prend douloureusement conscience de la fuite du temps. Il se rend compte que seule la nature peut conserver la trace des amours vécues.

LE LAC

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?

Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :

« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

« Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

« Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.

« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine (1790-1869), in Méditations poétiques, 1820

Le lac

Clefs : Alpes | souvenir | nostalgie | nature témoin
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2 Commentaires

  1. Bonjour,

    Le poème L’AUTOMNE d’Alphonse de Lamartine est un merveilleux éloge pour une dame.

    Il n’a pas été relié, rattaché ENCORE, à sa liaison…….. avec Julie Bouchaud

    Je fais cette recherche pour en faire la preuve, qu’il est rattaché à la liaison avec Julie.

    Il fait partie des premières méditations,

    http://archive.org/stream/lamartinede18100sc/lamartinede18100sc_djvu.txt

    Lamartine semble aussi avoir hésité entre le titre de Méditations et celui de Contemplations.
    Contemplation, aurait été plus juste. Car ses poèmes font souvent référence aux femmes de sa vie.

    Avec l’interprétation que j’en fais, avec la preuve de toutes les définitions qui englobent mon interprétation, que voici ;

    http://automne-alphonse-de-lamartine.blogspot.ca/ , avec toutes les définitions, après la dissertation du poème L’Automne. Et au début, il y a une petite biographie qui nous mène à son éloge pour Julie…

    Une fois que les preuves vont être sorties au grand jour, il n’y aura aucun doute. Car j’ai envoyé les dossiers à différentes universités et collège et cégep mondiaux en littérature francophone, ainsi que différents journaux. La seule chose qui manque c’est les dossiers réels de ces lieux entre 1810 et 1832, réparation, rénovation, construction avec preuves solides des dates…
    Le château de Saint Point ,

    L’église de Saint Point ,

    Le tombeau de la famille Lamartine …..

    L’interprétation que j’en fais avec preuve d’un dictionnaire encyclopédique de littérature deviendra la plus officielle. ET LA plus merveilleuse.

    C’est pour cela que je cherche les preuves sur ces lieux.

    Merci de faire suivre, et de prendre le temps d’y réfléchir.

    Merci si vous continuez…. votre aide est précieuse à mes yeux….

    Gérald Simard
    30 rue Taché
    Baie-Comeau, Québec, Canada
    G4Z 1V9

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