LA SAISON DÉ
Pendant la saison sèche, on prend ses bains dans un dé à coudre. La loi l’exige, ainsi que l’usage et la raison. On se resserre, on se simplifie, on se courbe. On se plie à la loi. Une certaine humilité est nécessaire.
Le dé à bain est un véritable dé à coudre, ici en argent, ailleurs en laiton, en fer-blanc, jamais une imitation, une métaphore, jamais un dé au sens large.
Aucun dé à coudre ne peut, sans exagération, atteindre la dimension d’une baignoire. Impraticable pour la couture. Ce serait une pure œuvre d’art (les œuvres d’art sont des exagérations). On ne se baigne pas dans une œuvre d’art, dans un musée, dans une exposition, pas même dans un catalogue. Il faudrait un luxe inouï, une outrecuidance, une inconscience enfantine, une nonchalance rarement permise. En outre, il manque une esthétique du savon et de l’eau trouble, si ce n’est Ponge. Mais Ponge, s’il frotte la parole aux choses, n’écrit pas pour servir.
Inconvénient du dé à coudre : il est instable, et sournoisement.
On se glisse dans l’eau, dans l’eau tiède et pulpeuse. On s’apprête à soupirer d’aise. Mais on a beau s’étrécir, se recrocotiner, au premier mouvement le dé se renverse. Tout est perdu. Le bain de dé exige une dextérité. Des gestes courts. Une adresse proche de l’immobilité.
On appelle ici la saison sèche la saison dé. La sécheresse de l’accent aigu signifie exactement.
La saison des pluies emporte les dés dans son lit. On se baigne alors dans les lacs, dans les ruisseaux, les torrents, dans la majesté des fleuves, dans les mers balnéaires, dans les eaux saponifères. Les mélancoliques se baignent dans l’épave des barques sans fond, les barques des traversées impossibles.
La saison des pluies connaît des accents graves et des parapluies circonflexes.
Michel Guillou, in Sur le bord de l’inaperçu, Ed. Gallimard, octobre 2009.
Bonjour, je ne me permettrais pas de faire de commentaires sur les textes présentés ici encore que j’aime beaucoup « les parapluies circonflexes » car j’avoue connaître assez peu la poésie.
Toutefois sur la partie musicale où je suis plus à l’aise et comme je vois quelques coups de cœur, je conseillerais au maître de ces lieux de se pencher promptement, si ce n’est déjà fait, sur l’œuvre de Nick Drake au demeurant peu substantielle (on s’en désole d’ailleurs : le jeune homme nous ayant quitté prématurément en 1974) mais dont les albums constituent pour le moins des achats « pour la vie ». Pour exemples, nous pourrions citer « Way to Blue » ou « Nothern skies » qui sont de pures merveilles.
Si donc l’animateur de ce blog daigne tendre une oreille ou les deux sur les chansons de Nick Drake et me dire ce qu’il en pense… .
Bonjour Fabien,
Je vais me renseigner sur ce Nick Drake et l’écouter avec attention. Je vous ferai bientôt part de mes impressions.
Merci du tuyau.
Bonne fin d’année,
Guillaume
Ecoutez « The Kiss » de Judee Sill (1973)
le texte se passe de commentaires
La mélodie, les arrangements sont sublimes et la voix de la dame est une caresse….
(la vie réserve parfois quelques pics de bonheur quand un pote vous dit « j’vais te faire écouter un truc mais il vaudrait mieux que tu t’assoies » !)
Love, risin’ from the mists
Promise me this and only this
Holy breath touchin’ me
Like a wind song
Sweet communion of a kiss
Sun, siftin’ thru the grey
Enter in, reach me with a ray
Silently swoopin’ down
Just to show me
How to give my heart away
And once a crystal choir
Appeared while I was sleepin’ and called my name
And when they came down nearer
Sayin’, « Dyin’ is done »,
Then a new song was sung
Until somewhere we breathed as one
Stars, burstin’ in the sky
Hear the sad nova’s dyin’ cry
Shimmerin’ memory
Come and hold me
While you show me how to fly
Sun, siftin’ thru the grey
Enter in, reach me with a ray
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