Ahmad Joudeh dansant sur les ruines de Palmyre, en Syrie
– Image du documentaire Dance or die, 2016 –
Le danseur des ruines
à Maram al-Masri,
« Danse ou meurs »
Ahmad Joudeh
« Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse. »
Friedrich Nietzsche
La peur au ventre
la tête haute
il s’élance dans le camp de Yarmouk
contemple Damas dévastée
les pierres saignent le béton s’effondre
il défie la pesanteur
et les bombes
il ignore les snipers tapis dans l’ombre
Homs agonise
Alep subit depuis des mois les outrages
des fous de Dieu
la rage des mercenaires & des avions
d’Al Assad
À Palmyre le danseur des ruines
réveille les pierres
ressuscite Tibère
donne à voir le rêve d’Hadrien
fait frissonner les parures de Zénobie
l’usurpatrice étincelante
Il est la gloire des siècles
l’audace des bâtisseurs
il redresse les temples
en quatre sauts
son corps dessine l’avenir
dans l’espace meurtri
ses muscles sont des colonnes
ses épaules des chapiteaux
il s’élance encore
relève d’un bond les défis de l’Histoire
D’un espoir à portée de joie
il tourne le dos à la vallée
des tombeaux
Il est la grâce et la vie
l’enfance retrouvée
en terre de mort violente
Syrie au cœur le danseur des ruines
chorégraphie la paix
avance en pleine lumière
déroulant pleins et déliés de ses pas
Chaque souffle suspendu
recrée le monde disparu
réenchante le chaos fumant
des décombres
Le danseur des ruines
est un funambule aérien
sur le fil du temps
ligne de partage sans fin
du sang et des cendres…
St Géraud de Corps, le 23 août 2016
Michel Ménaché, in Coup de soleil, revue de poésie et d’art, n°100, Annecy, juin 2017.
Poème également publié dans l’anthologie L’Ardeur – ABC poétique du vivre plus, Ed. Bruno Doucey, 2018. Puis en turc dans la revue Siirden et en grec dans la revue Eneken.
Danse d’Ahmad Joudeh sur un toit, dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, en Syrie – 2016
Musique : Skin & Bones, par David J. Roch, in l’album Skin & Bones, Dram Music, 2012