Le cordeau raidi était la règle posée sur le cahier blanc du terrain propre et nu. Le fer de l’arbraquette a ligné la page invisible, dessiné l’espace de la cartographie horticole. Une théorie de canyons parallèles, des vallées aux pentes lisses et poussiéreuses, routes suivies par les fourmis du voyage. Les arroyos de cet Arizona potager seront très bientôt en crue. Le jardinier est là. Son arrosoir en tôle galvanisée se baisse lentement vers le petit vallon assoiffé. Une eau de pluie tiède sourd du bec verseur. Penché vers le terrain vierge, le jardinier contrôle le débit de l’arrosoir. La poussière se coagule au fond du wash (réf. Tony Hillerman). Deux fourmis emportées par le courant finissent par s’échouer sans dommages sur un des bords de la rigole. Le dieu de la pluie abandonne l’arrosoir dans l’allée, sème la salade dans le sillon boueux, recouvre tout ça. Fondu au noir.
Lucien Suel, in Visions d’un jardin ordinaire – Poèmes et photographies, Ed. Marais du livre, 2000
C’est le printemps. On sort les outils et les poèmes de jardinage. Merci !