Blues – Poème de Wystan Hugh Auden

J’ai découvert récemment le poète américain d’origine britannique Wystan Hugh Auden (1907-1973), par la lecture de Blues donnée par Daniel Lévy au château de l’Échelle à La Roche sur Foron (74) en décembre dernier.

 

Ces vers grinçants abordent l’oppressante question de notre immuable destin : la Mort. Je trouve ce poème plus original et moderne que Funeral blues rendu célèbre par le film 4 mariages et 1 enterrement.

Le voici, suivi de sa traduction en français :

BLUES
(for Hedli Anderson)

 

Ladies and gentlemen, sitting here,
Eating and drinking and warming a chair.
Feeling and thinking and drawing your breath,
Who’s sitting next to you ? It may be Death.

As a high-stepping blondie with eyes of blue
In the subway, on beaches, Death looks at you ;
And married or single or young or old,
You’ll become a sugar daddy and do as you’re told.

Death is a G-man. You may think yourself smart,
But he’ll send you to the hot-sea or plug you through the heart ;
He may be a slow worker, but in the end
He’ll get you for the crime of being born, my friend.

Death as a doctor has first-class degrees,
The world is on his panel ; he charges no fees ;
He listens to your chest, says – “You’re breathing. That’s bad.
But don’t worry ; we’ll soon see to that, my lad.”

Death knocks at your door selling real estate,
The value of which will not depreciate ;
It’s easy, it’s convenient, it’s old world. You’ll sign,
Whatever your income, on the dotted line.

Death as a teacher is simply grand ;
The dumbest pupil can understand.
He has only one subject and that is the Tomb ;
But no one ever yawns or asks to leave the room.

So whether you’re standing broke in the rain,
Or playing poker or drinking champagne,
Death’s looking for you, he’s already on the way,
So look out for him tomorrow or perhaps today.

 

Wystan Hugh Auden

Blues - Wystan Hugh AudenImage provenant du Popcorn Magazine n°1

BLUES
(pour Hedli Anderson)

 

Mesdames et messieurs, assemblés en ce lieu,
Mangeant, buvant et chauffant une chaise,
Palpitant, pensant et retenant votre souffle,
Qui est assis à côté de vous ? La Mort peut-être.

Comme une blonde en quête de plaisir aux yeux cafardeux
Dans le métro, sur les plages, la Mort te regarde ;
Et marié ou célibataire, jeune ou vieux,
Tu vas fondre comme un loukoum et tu feras ce qu’elle te dit de faire.

La Mort est un fonctionnaire. Tu peux te croire malin,
Mais elle va t’attirer la poisse ou te transpercer le cœur ;
Elle peut être une ouvrière lente, mais à la fin,
Mon ami, elle t’arrêtera pour le crime d’être né.

La Mort est un médecin qui a d’excellents diplômes,
Le monde est sur son plateau; elle n’exige pas d’honoraires ;
Elle ausculte ta poitrine, elle dit : « Tu respires. C’est mal.
Mais ne t’inquiète pas ; on va bientôt y remédier, mon garçon. »

La Mort frappe à ta porte pour vendre une propriété
Dont la valeur ne va pas se déprécier ;
C’est facile, c’est avantageux, c’est le vieux monde. Tu signeras,
Quel que soit ton revenu, sur la ligne pointillée.

La Mort, comme professeur, est vraiment excellente ;
L’élève le plus obtus la comprend.
Elle n’a qu’un seul sujet et c’est le Tombeau ;
Mais personne ne bâille ni ne demande à quitter la pièce.

Tu peux te retrouver fauché sous la pluie,
Ou en train de jouer au poker ou de boire du champagne,
La Mort te cherche, elle est déjà en route,
Attends-toi à la rencontrer demain ou peut-être aujourd’hui.

 

Wystan Hugh Auden, in No promises : poèmes américains, anglais, irlandais / choisis par Carla Bruni.
Traduits de l’anglais par Fouad El-Etr, Marianne Tomi, Gérard-Georges Lemaire, Patrick Reumaux et Bernard Cohen.

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