Ce poème, lorsque je l’ai entendu la première fois au récital du Printemps de poètes de la Roche-sur-Foron (74), m’a dessiné à la craie mentale un carnet de voyages aux flamboyants paysages :
Terres d’ocre
Elles disent les maturations les cycles et les heures Elles disent l’invisible L’ocre convient aux dieux Les derniers rais d’un soleil qui décline attisent la braise du mélèze Ocres de l’automne Flamboiement aux frondaisons de septembre finissant Labours en robe de bure qu’encense un vol fuligineux de passereaux J’aimerais mon âme en un jardin d’automne Senteurs de tourbe de fougères Rouissent les châtaigniers et si le cor prolonge sa longue antienne vespérale que lui fassent répons le brame profond du cerf Ocres Cuivres Cuivres de l’orient Désert d’orient Dunes brunes Lèvres afghanes Ciels fauves à la crinière de lion S’exhalent des arômes cannelle des épices musquées Cuirs des harnais Rumeurs de caravanes Cuivre couverte de cuivre sur l’émail des lacs cuivre sans éclat quand la lune fomente la neige Folle chevelure de lune Névrose de la lune à la morte saison des bruyères gelées quand hurle l’hiver brûleur de loups L’ocre convient aux dieux Il y a toute cette chamoiserie de reflets roux à l’ados de la vague : ambres et feuilles mortes robe de daine corsage de bouvreuil fuite d’un écureuil éclat dans l’épicéa Il y a des abeilles nimbées d’une lumière de miel à l’odeur brune - ivre un peu - de réglisse de malt et de muscat Il y a les sables couchés comme en lit de roses que le crépuscule aurait lissé J’aime ces sables de Loire ces javeaux passés par le tamis des soleils couchants Méditent dans le soir des violoncelles Et puis faites lointaine souvenance Rappelez-vous le poitrail de l’auroch au flanc de la caverne avec ce bison que le dessin enfante dans l’orbe du solstice vêtu d’ours le chaman dansait les flammes rauques du feu De rouge et de noir d’ombre et de lumière l’ocre convient au dieu mais la Sibylle de Cumes interroge la rose et septembre déjà rabote les feux du jour Fragiles d’incertitude les villages de la nuit campagnarde veilleront tapis dans la fourrure de leurs rousseurs blafardes
Marcel Maillet