La folle du marché d’Annecy – Poème satirique de Thomas Ibanez

LA FOLLE DU MARCHÉ D’ANNECY

«  Elle vous jurera que nous la harcelions
       tics et grimaces lui ruinant le visage,
       vous découvrirez vite qu’elle est rongée
par le courroux de la folie. » William Peter Blatty

Les murs sardes ocre et vert-de-gris
ondulent paisiblement au miroir du Thiou.
Des arcades de la vieille ville
monte la criée des commerçants.

La chevelure brouillée et l’œil sombre,
elle apparaît sur le pont de la République
comme chaque vendredi de sa vie monotone.

Harpie rouge cinabre,
aigrie et envieuse du bonheur des autres,
elle entache de son ombre vacillante
les étals chamarrés du marché.

Tel un insecte scatophage
perturbant l’ambiance affable et décontractée,
elle cherche les histoires nauséeuses
et bourdonne des insultes
aux visages qu’elle croise.

Bien connue des annéciens,
cette mégère avinée
balaye le pavé humide
de la traîne sale de son passé.

Elle avait toutes les qualités
pour camper le costume de pervenche
ou manier des lames d’équarrisseur,
mais il n’en fut rien…

Parvenue, à coups de langue,
directrice d’un établissement culturel,
l’ampoulée ne brillait guère
que par les frasques de sa bêtise.

Animée d’une perversité narcissique,
elle exultait à manipuler,
semer des tensions
et diviser ses équipes.

Imaginez-là, furie autoritaire,
humilier les larbins
qui soutenaient à bout de bras
la pyramide fissurée de son empire.

La pernicieuse mygale,
présente dans les congrès les plus arrosés,
usait ses genoux et ses rares lumières
à se tisser une réputation des plus honorables.

Mais une fois vautrée sur son bureau,
la peau de vache se contentait de ruminer les heures
ou recevait sans peur du ridicule
sa troupe de favoris aux dents longues.

Bénéficiant du laxisme de ses supérieurs,
technocrates arrivistes parfois complices,
l’épouvantail hystérique s’attribuait les bonnes idées
et falsifiait à son avantage les courbes statistiques.

L’acariâtre, dotée de la finesse d’esprit d’un poireau,
pariait avec assurance
sur l’échec des nouvelles technologies
et raillait l’idée même de communication.

Maligne et lâche,
elle s’attaquait aux plus faibles
du haut de sa tourelle
et fusillait au même poteau
élans constructifs & esprit collectif.

Elle chevauchait mieux les chèvres de la colère et de la bile,
que les juments de la raison et de la passion.

Cependant l’accablante rombière,
bien trop sûre de ses manœuvres,
ne vit pas tomber le retour de bâton.
Ses dérives ne furent plus tolérées.

À force de courage et de patience,
on enferma le vautour
dans une cage dorée… .
Qui – à trop se débattre –
y laissa les plumes.

Vous la reconnaîtrez peut-être
au détour d’un trottoir,
couguar hideuse aux muscles trichinés.

Errant dans les valons rhônalpins,
elle vomit ses élucubrations
dans un monologue pathologique.

Ne vous laissez pas impressionner :
elle vocifère comme elle respire.

Sans scrupules, elle joue les martyrs,
persécutée et jalousée ;
souffre-douleur de ses subalternes
tout au long d’une courageuse carrière !

Elle infectera, quelques temps encore,
le sillage baveux de ses tribulations
car, dit-on, même la grande faucheuse
procrastine à l’approcher.

Le mieux à faire est encore d’ignorer cette maudite :
la peur de l’oubli la fait frémir…

Gardez seulement à l’esprit
que face à l’abjection incarnée
il faut s’unir et se battre ;
bref : tout sauf cesser !

Thomas Ibanez. Poème écrit à Annecy en 2011.

la folle du marché d'Annecy - Cruella

Clefs : abus de pouvoir | autoritarisme | bassesse | direction | cadre supérieur | culture | malveillance | gâchis | satire | portrait satirique | manipulateur | pervers narcissique
Partager
Facebooktwitterredditpinterestlinkedintumblr
Lien pour marque-pages : Permaliens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *