Le vieux tournesol

LE VIEUX TOURNESOL

« Apporte-moi le tournesol que la lumière rend fou. »
Eugenio Montale

La tige voûtée
sous le plomb des acquis,
le vieux tournesol,
libre penseur,
s’est détourné de l’attirante étoile.

Résistant, dans un champ de disciples,
il observe la folie des siens :
rangées d’aveugles sous la lumineuse idole.

Emportées dans une vrille communautaire,
les fleurs d’or végètent.

Mais quand s’épand la nuit…
l’ancien, fané, leur souffle :
« Les chemins tout tracés sont des voies sans issues. »

Guillaume Riou

Le vieux tournesol

Photographie de Jacques Milan, sérigraphiée par B. de Féline & G. Guégan


Clefs : individu | communautarisme | libre pensée | esprit critique
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4 Commentaires

  1. A mon humble avis, Guillaume, la morale de ton poème, en ce qui concerne les plantes, n’est pas très convaincante, car les plantes sont entièrement soumises à des forces extérieures qui leur sont communes. Si elles s’en retirent, elles meurent. Ensuite, naturellement, chaque plante est soumise à des conditions spécifiques, à l’intérieur de ce qui est commun.

    Sinon, si je puis me permettre, mon expérience me dit que rien n’est plus commun et plus répandu que de contester le principe qu’il existe des voies communes et unitaires. Le paradoxe est que ceux qui contestent le plus le principe de ces voies sont souvent ceux qui font justement comme tout le monde, puisque tout le monde les conteste en principe. Et puis surtout, contester en principe, ce n’est pas forcément, en pratique, faire autre chose que ce que prévicément on conteste. A les entendre, par exemple, les enseignants sont de grands révolutionnaires ; mais dès que la hiérarchie hausse le ton, ils se soumettent sous prétexte de sagesse et d’esprit de conciliation, ou sous prétexte qu’ils sont au-dessus de ces petites choses. C’est en tout cas ce que je ressens.

  2. « que ce que préCiSément on conteste », erratum.

    • Guillaume Riou

      Salut Rémi,

      J’apprécie que ce poème te fasse réagir.

      Je dois avouer que je n’ai pas pris en compte l’étude botanique du Tournesol…. C’est juste une fable, une métaphore comme une autre sur l’humanité. Et, après tout, certains hommes ne sont pas si loin des plantes vertes…

      C’est en effet assez répandu, voire à la mode, de s’opposer au principe qu’il existe des voies communes et unitaires. Je ne cherche pas ici à réfuter ce principe, qui serait équivalent à nier l’évolution humaine : les grands bonds de l’histoire ne se sont-ils pas faits dans l’unité ? dans la recherche de voies communes ? Je ne cherche pas à le réfuter tant que ces voies communes correspondent à ma perception morale et éthique.

      On peut très bien être membre à part entière d’une société et garder sa liberté de penser : c’est le meilleur moyen de faire évoluer cette même société.

      Certes, comme tu le démontres, ceux qui crient à la révolution ne sont pas généralement dans l’action et se plient au moindre revers. La critique est vaine si elle devient systématique et encore plus si elle ne s’accompagne pas de courage.

      Mais, derrière ces tournesols, j’essaie de souligner (peut-être pas assez nettement) un point qui me semble en perte de vitesse : la résistance. Et pas seulement dans nos sociétés de la vieille Europe, mais aussi (et pour d’autres combats) hors de nos frontières.

      Je l’ai écrit en pensant à ceux qui luttent pour leurs libertés, contre les idoles qu’on leur impose : religieuses, politiques, etc.

      Mais, comme avec chaque poème, le lecteur y met le sens qui lui correspond et tant mieux. Ainsi, je me permets de penser que tu es un peu ce tournesol rebelle en réagissant contre ce conformisme de contester systématiquement ce principe qu’il existe des voies communes et unitaires.

      A bientôt.

      Guillaume

  3. Oui, autant dans l’action il faudrait plus de courage réel, sur le plan individuel, autant dans le discours on aimerait voir moins de fanfaronnade, à cet égard. Mais ce n’est pas nouveau. Mon avis est du reste que le courage ne doit pas devenir de la folie, et que pour éviter les discours trop grandioses, même, mieux vaut convenir que la vie est faite à la fois de vie avec les autres et de choix personnels, de façon paradoxale voire contradictoire, et que la part de ceci et de cela est le vrai problème de la vie, justement. La rébellion, face au discours public, est de refuser les réponses trop simples ! (Peut-être.)

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