Thanassis Hatzopoulos dit de la poésie qu’elle est « la pensée des sensations » et écrit :
PASSAGE SECRET
Experts en objets anciens. Ils tâtent, ils scrutent, ils flairent l’objet et le temps qu’il porte en lui. Les secrets de fabrication, le sceau de l’époque, le style et l’art. C’est dans le même souci de faire exister que le poète va toucher ce qui paraît dénué d’importance. Le mur qui brusquement lui barre la route. Comme s’il cherchait le mécanisme invisible qui, s’il le touche, même par hasard, ouvre un passage secret, l’entrée d’un escalier obscur menant à un souterrain qui débouche dehors. Ou comme s’il cherchait la ligne qui lors du séisme s’ouvrira en crevasse. Le déplacement des plaques tectoniques, la profondeur de champ et la distance de l’épicentre détermineront le degré d’ouverture. Une traversée, autrement dit, qui comme l’amour va réveiller la vie tandis qu’apparaîtra au sommet du désastre, telle une fleur, le poème.
CLAIRE JOURNÉE*
Roseaux, colle, ficelle. Une armature aux jointures solides. Les contrepoids, leurs symétries de triangles et de pyramides. La pelote de ficelle. Et la queue, ses bouts de papier, de toile : le papier seul ne donne pas le poids, la stabilité nécessaires, mais accroît dangereusement la longueur. La tête, les bras levés puis, dès le bon coup de brise, l’envol. Plus tard, le cerf-volant très haut a trouvé le bon air. Et l’équilibre, si tout, les contrepoids, la queue, sont en harmonie. Même si l’on coupe la ficelle qui le tient, le poème reste là-haut soutenu par les vents, produit de l’équilibre des forces. Il ne fait qu’un avec le temps et vogue tel un cerf-volant, signe d’une claire journée de vie, à l’infini. Vol éternel – bien avant celui, perpétuel, des satellites. Corps céleste en deçà de la stratosphère.
Thanassis Hatzopoulos, in la revue Europe n°875, de mars 2002.
* Traduit du grec par Michel Volkovitch