Je viens d’entendre récemment des propos nauséeux qui font passer les rappeurs pour des incultes… .
Bien que peu sensible au rap, je trouve le raccourci facile, cliché, dénigrant et peu creusé.
Ils se battent avec les mots et non avec les poings, n’est-ce pas déjà une preuve de lucidité culturelle ?
Évidemment, on peut se contenter d’ouvrir la radio et de déplorer les bouses musicales des motha-fucka-gangsters en perpétuelle crise d’adolescence, qui vomissent l’injustice, rabaissent les femmes et rêvent d’une pathétique gloriole bling-bling.
Mais il n’y a pas plus de déchets dans le rap que dans la variété française, dans la pop, dans le classique, dans la poésie et dans le paysage artistique en général.
L’important n’est-il pas de prendre le temps de s’intéresser ? Prendre le temps, parfois, d’aller plus loin que ce que les superficielles tumeurs commerciales nous donnent à consommer ?
C’est ainsi qu’on évite les amalgames et qu’on peut trouver du rap de qualité, où la culture des artistes jaillit avec force : dans la revendication sociale, dans la haine des travers de nos sociétés et la soif de les changer, dans l’engagement et la résistance contemporaine.
Alliant le son, le rythme et la métaphore, il a du rap mature et poétique.
Ces rappeurs, porteurs de sens, ont bien des leçons à donner aux savants élitistes dénués d’ouverture d’esprit.
Méditons, par exemple, sur ce rap de Rocé, qui constate que « Si peu comprennent » :
SI PEU COMPRENNENT
Vous comprendrez donc,
que j’ai d’autres ambitions
que de jouer au rappeur voyou
repenti, reconverti en bon bougre.
Pas le temps non plus
de faire peur,
de par un exotisme banlieusard.
Je suis à la recherche de l’universel,
pas au contentement,
ou à l’agacement,
d’un pays qui vieillit dans le « sur place » du spectacle et des clichés.
Mais… si peu comprennent… si peu comprennent…
Je cache ma haine dans mes souliers, c’est ma marque de pudeur.
Mais j’ai le pied tellement lourd qu’il tape l’béton comme un marteau-piqueur.
j’peux même pas m’camoufler sous mon égo,
j’ai le bad trop profond et le cerveau à zéro.
Je m’esquive sous une pluie fine qu’un froid d’automne entraine
et je souris car j’ai compris que si peu comprennent.
La haine,
la rage et la haine,
qui me brûle et m’enchaine,
quand je rappe et bouscule les idées qu’on enseigne.
Rappeur hardcore j’ai décidé d’aiguiser ma plume,
remplacer la vulgarité par des idées qui fument,
prendre les élites à leur jeu,
jouer de leur vocabulaire,
même si ça fait moins rebelle pour les oreilles des partners.
Et il s’avère qu’on s’étonne que j’sois civilisé,
pour un rappeur c’est peu commun : « c’est un illuminé,
un évolué, un rescapé, un repenti, un des nôtres ;
encore un pied dans l’rap, mais il finira bon apôtre ».
Et d’ailleurs est-ce encore du rap ?
C’est tout c’qu’ils n’espèrent pas,
ils appellent ça « du slam » quand je fais un a-capella.
Ils sont heureux d’apprécier, ça confirme qu’ils sont d’gauche quoi,
tous ces bien-pensants qui, en tout cas, eux le croient.
Moi j’ai la haine,
la rage et la haine,
qui me brule et m’enchaine,
quand je rappe et bouscule les idées qu’on enseigne.
Je m’esquive sous une pluie fine qu’un froid d’automne entraine
et je souris car j’ai compris que si peu comprennent..
Ça c’est pour ceux qui détiennent le spectacle,
mais pour le rap c’est pas mieux.
Pour le rap :
Au pays du zoo humain, au bon plaisir des médias,
l’indigène reste à l’affiche quand l’rap fait son cinéma.
Quand la jeunesse est fond d’commerce, il est si dur de grandir,
de se sortir des fonctions autres que bourreau ou martyre.
Je ne suis pas dans vos arnaques parce qu’il y a une différence
entre un guerrier qui s’tape et des p’tit cons en manque de sens.
Alors ça joue les kaïras ; le prenez pas pour une insulte,
mais j’suis un des seuls trentenaires à rapper comme un adulte.
Ce qui nous manque c’est : organisation, fric et éducation,
intimidation, force et information.
Donc quand on rumine le même film qui prend racine,
je ferai de mon rap le hardcore que j’imagine.
J’ai la haine,
la rage et la haine,
qui me brule et m’enchaine,
quand je rappe et bouscule les idées qu’on enseigne.
Je m’esquive sous une pluie fine qu’un froid d’automne entraine ;
et je souris car j’ai compris que si peu comprennent…
Rocé, in l’album L’être humain et le réverbère, M2O Solutions/Big Cheese, 2010.
le passage qui me parle le plus :
« Je cache ma haine dans mes souliers, c’est ma marque de pudeur.
Mais j’ai le pied tellement lourd qu’il tape l’béton comme un marteau-piqueur.
j’peux même pas m’camoufler sous mon égo,
j’ai le bad trop profond et le cerveau à zéro. »
j’imagine que les rappeurs espèrent être compris par davantage de gens de toutes classes, toute
instruction.
se mettre à la portée de chacun pour être entendus et … n’ont-ils pas raison puisqu’un rap est ici
?? et aussi en spectacle où sont des jeunes comme eux