L’oiseau de fumée – Poème de Pavlo Movtchane

Au-dessus du pré l’oiseau de fumée
colorie les herbes,
il survole, glacé, ces contrées.
Les chevaux blanchis semblent pleurer dans les flaques,
tandis que nos mains collent
comme de jeunes miels…
Quoi de plus pour attester notre bonheur ?
Des malheurs pluvieux s’envolent hors du ciel,
l’étain a coulé dans les balles sans nous toucher,
nous portons des graines dans notre bec fermement…
En effet, nous tenons à notre silence.
Les sirènes dorées se dressent sans nous,
les cercles de terreur ressemblent aux biscuits secs,
nos oreillers étoufferont les cris sur nos lèvres.
Qui sommes-nous, sinon la grisaille vide
qui se moque de tous et dont tous se moquent…
On s’aime, on loue ce monde à chaque pas
et on produit des paroles… Jusqu’à quand ?
Les talons brûlent, des clous entrent dans nos pieds,
l’oiseau ne donne plus ni brume, ni plumes,
les toiles d’araignées ont détruit toutes les herbes.
Voyons, crache cette graine hors de toi-même !
Quelqu’un répondra-t-il à ta douleur
lorsque l’écho d’étain te piquera ?
L’oiseau de fumée emplira ses yeux et, glacial,
fondra en cire sur tes paumes…

Pavlo Movtchane, in Sang argenté, Ed. L’Harmattan, 2018
Traduit de l’ukrainien par Dmytro Tchystiak et Nicole Laurent-Catrice

l'oiseau de fumée
En mars 2022, l’agriculteur Andrij Pastushenko prend cette photo de frappe militaire sur l’aéroport de Tchornobaïvka, en banlieue de Kherson.
Clefs : Українська поезія | guerres en Ukraine | menace | bombardements | littérature ukrainienne
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