L’ÊTRE HUMAIN ET LE RÉVERBÈRE
L’être humain se déplace vite, mais ne se déplace plus
Il est juste pilier rigide dans les cités livides
Belle statue immobile, chahut inaudible sur solide raffut
Marque la rue comme un immense fossile
L’être humain de nuit attire loustics et déchets
Comme le réverbère attire les moustiques l’été
La lumière n’est pas lumière rêvée, plutôt blessée, éclaire les pieds
D’humains à la tête haute, à la casquette baissée
Si droits qu’il font effet pilier
Même quand ils s’adossent avec une des deux jambes pliée
Témoin du quartier, des rires et des douleurs
Et comme le réverbère, ils en pincent pour les chaînes et les scooters
Dandy à l’allure de bandit, proche des mioches qui grandissent
Ballon aux pattes, qui sur le réverbère rebondit
Donc il vibre comme un gosse à l’âge qui resplendit
Complice du tapage qui fait résonner la fonte comme cent cris*
Le réverbère c’est l’ancien, des villes le témoin
Il a vu chaque couche sur HLM 10 fois repeint
Donc le point commun le vrai, c’est l’étroitesse du destin
Le monde est vaste mais on représente l’espace restreint
Dans la rue j’ai confondu l’être humain et le réverbère
Comme le réverbère il éclaire juste sa rue
Ne se déplace plus, il est juste pilier rigide
Dans les cités livides où la lumière ne passe plus
Dans la rue j’ai confondu l’être humain et le réverbère
Comme le réverbère il éclaire juste sa rue
Ne se déplace plus, il est juste pilier rigide
Dans les palais livides où la lumière ne passe plus
Les gens ne sont pas reconnaissants
Pissent sur les réverbères alors que la nuit ils lui demandent le fluorescent
Ne sont point reconnaissants
Ignorent l’humain indécent alors que la nuit ils lui quémandent le stupéfiant
L’être humain et le réverbère sont complices de l’ingratitude
D’où cette attitude, droits et fiers par habitude
La rue qu’ils surveillent de haut les rend droits pour l’altitude
Mais la tête penche vers le sol par lassitude
Pour L’être humain et le réverbère, l’univers s’arrête à quelques rues
Qu’ils connaissent dans l’affinité
De sa banalité à ses pires activités
L’hiver et son acidité, l’été et son aridité
La richesse n’invite pas au voyage. Les beaux quartiers,
Leur beauté, montrent un horizon tout aussi bétonné
Car l’habitude et la routine rendent l’humain statue
Loin des sables mouvants, proche d’une terre battue
Le propriétaire terrien fait du ciment son grain
Fait de la rue d’à côté, sa vie, sa racine, son bien
Donc le point commun le vrai, c’est l’étroitesse du destin
Le monde est vaste mais on représente l’espace restreint
Dans la rue j’ai confondu l’être humain et le réverbère
Comme le réverbère il éclaire juste sa rue
Ne se déplace plus, il est juste pilier rigide
Dans les cités livides où la lumière ne passe plus
Dans la rue j’ai confondu l’être humain et le réverbère
Comme le réverbère il éclaire juste sa rue
Ne se déplace plus, il est juste pilier rigide
Dans les palais livides où la lumière ne passe plus
Rocé, in l’album L’être humain et le réverbère, M2O Solutions/Big Cheese, 2010.
* Texte présent sur le livret de l’album.
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