D’une comète.
J’ai vu la nuit crever à grosses bulles ;
l’arbre craquait, délivrant des couleurs,
une vapeur au sortir de la fonte,
une fumée, une limaille d’ombre :
presque un oiseau remplissant tout le ciel
de son plumage et de son auréole.
J’ai vu tomber la buée boréale,
fientes du feu, fange à phanérogames,
stagnation de sommeil et de brume
d’où surgissait la nébulosité
en son duvet de soufre et de fluor.
Elle fouettait de sa queue électrique
l’espace entier qui dès lors s’irisait,
fils d’araignée à l’aube entre les feuilles
où le soleil oublia ses élytres.
Ô l’équipage en feu ! Cadence équestre
de la comète après son propre cœur !
Carrosserie d’écume, essieu liquide
qui tourne, emportant avec son sillage
la mémoire des mondes, les regards
pulvérisés par le temps d’autres êtres ;
et des débris de vie – filaments froids
mais qui parfois déchirent le néant
d’un éclair bleu dans le néon du temps.
Charles Dobzynski (1929-2014), in L’opéra de l’espace, Ed. Gallimard, 1963
La comète de Donati, 1858 – Peinture de Gabriel Loppé (1825-1913)
Huile sur toile, 34 x 50 cm, conservée au Musée-Château d’Annecy.
Vue de la comète au dessus du lac d’Annecy, depuis le petit port d’Annecy-le-Vieux.