LA BÊTE INNOMMABLE
La Bête innommable ferme la marche du gracieux troupeau, comme un cyclope bouffe.
Huit quolibets font sa parure, divisent sa folie. La Bête rote dévotement dans l’air rustique.
Ses flancs bourrés et tombants sont douloureux, vont se vider de leur grossesse.
De son sabot à ses vaines défenses, elle est enveloppée de fétidité.
Ainsi m’apparait dans la frise de Lascaux, mère fantastiquement déguisée,
La Sagesse aux yeux pleins de larmes.
René Char, in La Paroi et la Prairie, Ed. G.L.M., 1952.
« Dès l’entrée dans la Rotonde, le regard est attiré par un animal aux formes étranges, la Licorne. En position première, elle semble pousser vers le fond de la galerie tous les animaux de cette paroi.
Cette figure possède des lignes ondoyantes qui laisseraient à penser que l’on est en présence d’un félin. Une tête carrée, un garrot très saillant, un ventre dilaté, des pattes robustes, inciterait à abonder dans ce sens. Toutefois, deux cornes rectilignes prolongent d’un tiers l’emprise de cette figure, segments anatomiques qui invitent à ranger cet animal dans la catégorie des animaux fantastiques. »
Source : https://archeologie.culture.fr/lascaux/fr
Pour compléter la lecture de ce poème de Char, voyez :
– Le texte de Maurice Blanchot intitulé « La bête de Lascaux » dans Le cahier de l’Herne sur René Char, 1971.
– L’introduction à Entre Blanchot et Char, Lascaux : « une épreuve de l’origine » par Cécile Guillot.
Combien ce choix est réjouissant. Je découvre ce texte horriblement délicat avec étonnement et enthousiasme. Merci de ce partage.
Amitiés.
C’est par ce texte que j’ai découvert René Char dans ma jeunesse.
Puissant et tragique. Aujourd’hui encore, en le lisant, mes poils se hérissent.
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