LA SICILIA, IL SUO CUORE
Come Chagall, vorrei cogliere questa terra
dentro l’immobile occhio del bue.
Non un lento carosello di immagini,
una raggiera di nostalgie : soltanto
queste nuvole accagliate,
i corvi che discendono lenti ;
e le stoppie bruciate, i radi alberi
che s’incidono come filigrane.
Un miope specchio di pena, un greve destino
di piogge : tanto lontana è l’estate
che qui distese la sua calda nudità
squamosa di luce — e tanto diverso
l’annuncio dell’autunno,
senza le voci della vendemmia.
Il silenzio è vorace sulle cose.
S’incrina, se il flauto di canna
tenta vena di suono : e una fonda paura dirama.
Gli antichi a questa luce non risero,
strozzata dalle nuvole, che geme
sui prati stenti, sui greti aspri,
nell’occhio melmoso delle fonti ;
le ninfe inseguite
qui non si nascosero agli dèi ; gli alberi
non nutrirono frutti agli eroi.
Qui la Sicilia ascolta la sua vita.
Leonardo Sciascia, in La Sicilia, il suo cuore, Bardi éditeur, Rome, 1952.
Paysage (vers Vizzini) – Photo de Giuseppe Leone
Source : ReportageSicilia
LA SICILE, SON CŒUR
Comme Chagall, je voudrais saisir cette terre
dans l’œil immobile du bœuf.
Non pas un lent carrousel d’images,
un halo de nostalgies : rien
que ces nuages caillés,
les corbeaux en chute lente ;
et les éteules grillés, les rares arbres
gravés comme en filigrane.
Un myope miroir de peine, un lourd destin
de pluies : si loin est l’été
qui étendit ici sa chaude nudité
écailleux de lumière — et si différente
l’annonce de l’automne,
sans les voix de la vendange.
Le silence est vorace sur les choses.
Il se fêle, si la flûte de roseau
tente la veine d’un son : et diffuse une peur obscure.
Les anciens ne rirent pas sous cette lumière
étranglée par les nuages, qui pleure
sur les prés épuisés, sur les âpres grèves,
dans l’œil boueux des sources ;
les nymphes poursuivies
ici ne se cachèrent pas aux dieux ; les arbres
n’offrirent point de fruits aux héros.
Ici la Sicile écoute sa vie.
Leonardo Sciascia, in la revue L’arc n°77, 1979.
Traduction par Jean-Noël Schifano