Voici un poème inédit sur la toile, de Jean-Pierre Tessier*, poète annécien qui vécut au XXe siècle. Il déclamait des vers aux passants à côté du puits Saint-Jean…
Neige
Je suis un nègre
Un sale nègre
Je suis celui qui n’est rien et qui n’a rien
Parce que je travaille pour le blanc ou pour le jaune.
Ah oui ! J’oubliais de vous dire
Moi je souris de toutes mes dents
Et parce que j’ai les cheveux crépus
Le nez camus
A Harlem, dans le ghetto de New York,
On m’appelle le nigger
Le Négus aussi
On dit face négroïde dans votre dictionnaire
Littré Larousse Robert
Le négro dans la rue
Le négrillon quand je suis petit
Ma femme elle m’appelle mon soleil noir
D’autres ma bête noir
Et que’que fois quand j’ai terminé le travail
Dans la case juste à gauche
On m’accompagne de que’ques rythmes avec les copains
Que d’autres appellent :
Jazz
Blues
Negro-spirituals
Gospels
Free-jazz
Rock.
Mois j’sais pas c’que ça veut dire ces mots-là
Tout ce que je sais
C’est que cette musique
Elle vient de là
Et ça s’explique pas
Ça se sent
Parce que on l’aime et qu’on se tait
Et qu’on est non violent
Je suis un nègre mal fait
Mal né
Et vous savez, quand je suis accroupi devant ma case,
Et que je vois le soleil qui se couche là-bas derrière la montagne
Je pleure
J’me dis
Qu’c’est p’t-être lui qui a noirci ma peau
Et la couleur de la peau ne change rien.
Jean-Pierre Tessier, Annecy, in Le Mouna Frères, journal d’un Don Quichotte, n°31 de 1987.
* lisez un poème-hommage de Michel Dunand sur Jean-Pierre Tessier