Il convient aujourd’hui que la pluie a cessé, de prendre un livre doux et d’aller sous les murs du village se chauffer de soleil et de claires paroles.
Non pas un de ces poètes qui jouent de la mandore avec leur cœur, mais plutôt un qui conte les pérégrinations des demi-dieux dans les mers enchantées ; car, sur le ciel étendu où fendent encore les nues écumeuses, tu imagineras l’ondoyant périple et la grotte où bat la queue de la frileuse sirène.
La bise pointue larde les ormeaux. Le sang des feuilles, larme à larme, s’épand ; mais sous ton manteau et dans ce creux de muraille, c’est encore pour toi une goutte d’été que tu peux savourer.
Et, vois, sur la page où se déploient les plaintes amoureuses de la malheureuse reine égyptienne, copeau de fin métal niellé, une abeille s’est posée, et avec toi se chauffe.
Jean Giono (1895-1970), in la revue Cahiers du Contadour, n° 5, mai 1938.