LE CONCOMBRE MASQUÉ DU LAC D’ANNECY
A ENCORE FRAPPÉ !
Ne vous aventurez jamais dans les vapeurs cireuses que transpire par moments le lac d’Annecy. Une rencontre malheureuse vous apporterait le mauvais œil administratif pour de longues années !
Cela est arrivé aux employés d’un établissement public annécien. Par un jour de brouillard épais et nauséabond, une silhouette informe, ombre parmi les ombres, s’est précipitée sur eux. Et l’horreur de son visage grimaçant, sourire maléfique ourlé de bave, reste ancré dans leurs esprits.
Le concombre masqué du lac – c’est ainsi que les annéciens nomment cette chose, mi-mollusque mi-légume – passe le plus clair de son temps à se prélasser dans un bain d’oisiveté. Flasque et dénué d’esprit, la créature de cauchemar au pelage blond-sale a pour habitude contemplative de regarder passer les nuages.
Lorsqu’il s’installe en rampant dans un lieu, avec l’appui d’une communauté de démons idiots, il fait son nid et use, par son flegme irrespectueux et ses déjections acides, la charpente même du toit qui l’abrite (preuve parmi d’autres qu’il a le cerveau plus petit qu’un œuf de perruche).
Il se nourrit de tout ce qu’il trouve. On l’observe gober les mouches aux heures de présence obligatoire, le cul vissé dans la boue bureaucratique pendant que les autres s’affairent et donnent un sens à leur travail.
Sa fâcheuse habitude de laisser moisir les dossiers en cours et autres obligations « harassantes » infectent les êtres qui le côtoient (de gré ou de force) dans un rayon de 666 mètres.
Le mal qu’il en coûte à cette institution publique d’avoir croisé la nage de ce concombre masqué du lac peut se chiffrer en dizaines de milliers d’€uros ! Sans compter les lenteurs insensées qui grippent, depuis, les rouages des projets.
Ce mauvais augure, incarné dans une enveloppe gluante d’hypocrisie et de nonchalance, est un irritant parasite quotidien.
Croyez-le : cette triste expérience doit faire l’objet d’un devoir de mémoire afin que jamais ne réapparaissent d’autres concombres masqués du lac, immonde vermine planquée qui vous rend malade et peu courtois.
Thomas Ibanez, in L’Essorage savoyard, journal du linge sale à laver en famille, n° de janvier 2011.
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