Fable méconnue de Nyace O’Bill

Voici une fable, dénichée dans un recueil de poésie de 1870 intitulé « La Veilleuse », qui me fait penser qu’il m’est arrivé, à moi aussi, d’être un peu perroquet…

FABLE

 

J’ai vu certain sot
Des gens d’esprit parmi la suite,
L’oreille à l’affût d’un bon mot,
Dès qu’il en tombait un prendre aussitôt la fuite
Pour aller, sans l’avoir compris
Le moins du monde,
Le débiter à des niais épris
De sa vaine faconde.
Tel, dom Vert-Vert, gros perroquet huppé,
Des seins d’une nonne échappé
– L’ingrat ! – pour revenir aux bois du Nouveau-Monde,
Y répétait les mots qu’il avait retenus,
Comme : Doux tourments ! Belle abbesse !
Et les péchés mignons qu’il avait entendus
Quand des sœurs le portaient, en cachette, à confesse.
Les oiseaux l’écoutaient, étonnés et ravis
De ce mystique et neuf langage,
Et déjà, tous ensemble, ils votaient à grands cris
Qu’on le fit roi du breuil; lorsqu’un vieil ara, sage,
Et qui s’était formé dans plus d’un esclavage,
S’en vint lui demander en retournant le bec
Qu’il leur traduisit ce grec
En patois des bêtes.
Comme un ministre interpellé
Le bavard resta court et s’en fut, désolé,
Quérir pour s’y cacher de lointaines retraites.
– Pour finir en deux mots, ce refuge lointain
C’est le couvent où l’âne apprenait son latin.

 

Nyace O’Bill, in La veilleuse, petit poème archidélirique, 1870, Ed. à Annecy chez J. Dépollier

 

Fable - vol de perroquet

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