Je ne connais de la Corrèze que le plateau de Millevaches où nous passions sur la route des vacances lorsque j’étais enfant. Mais ce poème d’Henri Martin m’a donné envie d’en découvrir plus.
Henri Martin (1907-2003) vivait à Allassac où il exerçait le métier de notaire (voir les commentaires). Il publiait régulièrement ses poèmes dans un journal local : Le petit Allassacois. Un poète oublié qui mérite d’être redécouvert.
Il ouvre son recueil « Corrèze, ô mon pays et autres poèmes » par cet hymne à la Corrèze :
CORRÈZE, Ô MON PAYS !
A M. Pierre de Nolhac.
Le premier chant d’amour qui sortit de mes lèvres
Fut chanté sous l’azur, mon pays, de ton ciel ;
Pour témoins, il avait tes arbres solennels,
Silencieux amis qui partageaient mes fièvres !
Les projets exaltés, rayonnants d’allégresse,
Qui s’envolaient, joyeux, de mon cœur de quinze ans,
Prirent, ô mon pays, pour discrets confidents,
Tes oiseaux et tes fleurs, miroirs de ma tendresse.
C’est en vain, mon pays, que mon cœur s’interroge ;
Il n’est nul souvenir où tu ne sois mêlé,
Nul soupir, nul sanglot par mon cœur exhalé,
Que n’ait discrètement scandé ta vieille horloge.
Mes rêves sont des fleurs cueillies en tes prairies,
Dans tes champs, tes jardins, les sentiers de tes bois.
Je vous rends aujourd’hui moins que je ne vous dois,
Féconds inspirateurs de toutes mes féeries !…
J’ai vu s’épanouir tes lilas et tes roses,
J’ai frémi, chaque année, aux souffles des printemps,
J’ai clamé dans ton sein l’ardeur de mes vingt ans,
J’ai vu de tes étés les lourds apothéoses,
J’ai subi, tout pensif, l’âpre mélancolie
De tes automnes d’or aux délicats couchants,
Dans le triste déclin des arbres jaunissants,
J’ai lu la vanité des terrestres folies,
J’ai frissonné, parfois, au souffle de ta bise.
Dans le recueillement glacé de tes hivers,
Mon cœur triste et muet a souvent découvert
Le néant des amours dont notre cœur se grise.
Non, ne me dites pas que ce sont là chimères,
Que les arbres, partout, ont la même couleur,
Que le parfum des fleurs est aussi pur ailleurs ;
Les fils aiment-ils donc quelqu’un plus que leur mère !
Nulle part les oiseaux n’ont gazouillis si tendre
Qu’en les bocages verts de mon petit pays !
Nulle part un printemps si charmant ne sourit !
Nulle part le ruisseau n’est si doux à entendre !…
D’ailleurs, aux souvenirs se mêlent des visages ;
Ils complètent pour moi l’amour de mon pays !
Le pays, c’est pour moi le cœur de mes amis,
Autant qu’un lumineux et tendre paysage !…
Et je t’ai dédié mes fièvres insensées,
Mes amours, mes frissons, mes espoirs, mes sanglots.
Recueille, ô mon pays, ce tumultueux flot
Qui jaillit de mon cœur plus que de ma pensée.
Ton charme et ton émoi rendaient ma voix plus pure,
Je me suis attendri dans le bleu de tes soirs,
C’est toi qui m’insufflais la tendresse et l’espoir.
Du rythme de mon cœur tu battis la mesure !
Les chansons de mon cœur, au fond, ce sont les tiennes,
Et je n’en suis vraiment que l’ardent traducteur ;
Le frisson qui m’anime en est le seul auteur.
Prends ce pauvre bouquet dont les fleurs t’appartiennent.
Corrèze, ô mon pays, je t’offre ces poèmes,
Projets, rêves, espoirs, qu’un jour tu me soufflas !
Rythme ardent de mon cœur, qui te pare d’éclat,
Comme le fol amant embellit ce qu’il aime !…
Henri Martin, in Corrèze, ô mon pays et autres poèmes, Ed. Librairie Lachaise, Brive, 1934.
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Ce monsieur Martin ne cachera pas longtemps qu’il a plutôt lu Hugo que Queneau !
Très beau poème.
Amitiés
bonjour, Henri Martin vivait précisément à Allassac au centre du bourg là où il avait sa charge de notaire, c’était une personnalité locale très connue qui aimait beaucoup Allassac.
Votre lien envoyé par une amie corrézienne me le remet en mémoire et je vais du coup faire quelque chose sur lui dans mon blog sur Celle qu’il considérait aussi comme la Plus Belle Ville du Monde
Merci à vous pour ce rappel 😉 APBVDM
Bonjour. Merci pour vos précisions. Je corrige mon article. Je ne manquerai pas de visiter votre plus belle ville du monde dès que l’occasion d’un voyage se présentera.
Bien cordialement.
Guillaume Riou
bonjour, je viens de retrouver dans la bibliothèque de ma mère deux des ouvrages d’Henri Martin… pourriez vous me dire comment et où vous avez trouvé son poème ? est-il dans le domaine public ?
merci de votre réponse APBVDM
Bonjour
J’ai découvert ce poème dans le recueil Corrèze, ô mon pays et autres poèmes, édité en 1934. Ouvrage que j’ai acheté sur un site internet de vente entre particuliers.
N’ayant pas connaissance des dates précises de naissance et de mort d’Henri Martin, je ne peux pas vous certifier que son œuvre soit tombée dans le domaine public.
Bien cordialement
Guillaume Riou
Bonjour guillaume
Je viens de découvrir votre blog avec plaisir et émotion !
Je suis la fille d’Henri Martin et je suis très fière pour lui !
Je pensais qu’il était oublié, et, grâce à vous, ce poème a repris vie.
Il est né en 1907 et mort en 2003. Il adorait Allassac et a écrit un très beau poème dans son dernier recueil : « De l’Aurore au Crépuscule ».
Merci mille fois pour lui
Bien cordialement
MC Martin-Grelaud
Bonjour madame Martin-Grelaud,
Merci pour votre visite sur mon blog et votre commentaire chaleureux.
Je vais essayer de trouver le dernier recueil de votre père et le lirai avec plaisir.
Bien cordialement
Guillaume Riou
Bonjour.
très bon livre.
franchement très émouvant et très beau texte et poème.
magnifique et la plus belle surprise il est dédicacé.
Je suis très touchée de voir que le poème de mon père n’est pas tombé dans les oubliettes. Vous lirez plus bas un commentaire que je vous avais écrit en 2016, avec quelques renseignements sur lui. Cordialement, sa fille