Auguries of innocence est un des poèmes les plus célèbres du poète britannique William Blake (1757-1827). Les 4 premiers vers sont les plus connus, mais on trouve rarement la totalité du texte.
Le voici donc, suivi de sa traduction française par Pierre Boutang (seule traduction complète que j’ai trouvée…) :
AUGURIES OF INNOCENCE
To see a world in a grain of sand
And a heaven in a wild flower,
Hold infinity in the palm of your hand
And eternity in an hour.
A robin redbreast in a cage
Puts all heaven in a rage.
A dove-house filled with doves and pigeons
Shudders hell through all its regions.
A dog starved at his master’s gate
Predicts the ruin of the state.
A horse misused upon the road
Calls to heaven for human blood.
Each outcry of the hunted hare
A fibre from the brain does tear.
A skylark wounded in the wing,
A cherubim does cease to sing.
The game-cock clipped and armed for fight
Does the rising sun affright.
Every wolf’s and lion’s howl
Raises from hell a human soul.
The wild deer wandering here and there
Keeps the human soul from care.
The lamb misused breeds public strife,
And yet forgives the butcher’s knife.
The bat that flits at close of eve
Has left the brain that won’t believe.
The owl that calls upon the night
Speaks the unbeliever’s fright.
He who shall hurt the little wren
Shall never be beloved by men.
He who the ox to wrath has moved
Shall never be by woman loved.
The wanton boy that kills the fly
Shall feel the spider’s enmity.
He who torments the chafer’s sprite
Weaves a bower in endless night.
The caterpillar on the leaf
Repeats to thee thy mother’s grief.
Kill not the moth nor butterfly,
For the Last Judgment draweth nigh.
He who shall train the horse to war
Shall never pass the polar bar.
The beggar’s dog and widow’s cat,
Feed them, and thou wilt grow fat.
The gnat that sings his summer’s song
Poison gets from Slander’s tongue.
The poison of the snake and newt
Is the sweat of Envy’s foot.
The poison of the honey-bee
Is the artist’s jealousy.
The prince’s robes and beggar’s rags
Are toadstools on the miser’s bags.
A truth that’s told with bad intent
Beats all the lies you can invent.
It is right it should be so :
Man was made for joy and woe ;
And when this we rightly know
Through the world we safely go.
Joy and woe are woven fine,
A clothing for the soul divine.
Under every grief and pine
Runs a joy with silken twine.
The babe is more than swaddling bands,
Throughout all these human lands ;
Tools were made and born were hands,
Every farmer understands.
Every tear from every eye
Becomes a babe in eternity ;
This is caught by females bright
And returned to its own delight.
The bleat, the bark, bellow, and roar
Are waves that beat on heaven’s shore.
The babe that weeps the rod beneath
Writes Revenge in realms of death.
The beggar’s rags fluttering in air
Does to rags the heavens tear.
The soldier armed with sword and gun
Palsied strikes the summer’s sun.
The poor man’s farthing is worth more
Than all the gold on Afric’s shore.
One mite wrung from the labourer’s hands
Shall buy and sell the miser’s lands,
Or if protected from on high
Does that whole nation sell and buy.
He who mocks the infant’s faith
Shall be mocked in age and death.
He who shall teach the child to doubt
The rotting grave shall ne’er get out.
He who respects the infant’s faith
Triumphs over hell and death.
The child’s toys and the old man’s reasons
Are the fruits of the two seasons.
The questioner who sits so sly
Shall never know how to reply.
He who replies to words of doubt
Doth put the light of knowledge out.
The strongest poison ever known
Came from Caesar’s laurel crown.
Nought can deform the human race
Like to the armour’s iron brace.
When gold and gems adorn the plough
To peaceful arts shall Envy bow.
A riddle or the cricket’s cry
Is to doubt a fit reply.
The emmet’s inch and eagle’s mile
Make lame philosophy to smile.
He who doubts from what he sees
Will ne’er believe, do what you please.
If the sun and moon should doubt,
They’d immediately go out.
To be in a passion you good may do,
But no good if a passion is in you.
The whore and gambler, by the state
Licensed, build that nation’s fate.
The harlot’s cry from street to street
Shall weave old England’s winding sheet.
The winner’s shout, the loser’s curse,
Dance before dead England’s hearse.
Every night and every morn
Some to misery are born.
Every morn and every night
Some are born to sweet delight.
Some are born to sweet delight,
Some are born to endless night.
We are led to believe a lie
When we see not through the eye
Which was born in a night to perish in a night,
When the soul slept in beams of light.
God appears, and God is light
To those poor souls who dwell in night,
But does a human form display
To those who dwell in realms of day.
William Blake, in The Pickering Manuscript, 1803.
Dead Bird, par morfireglbl.deviantart.com
AUGURES D’INNOCENCE
Voir le monde en un grain de sable,
Un ciel en une fleur des champs,
Retenir l’infini dans la paume des mains
Et l’éternité dans une heure.
Rouge-gorge mis en cage,
Voilà tout le ciel en rage.
Un colombier plein de colombes et de ramiers
Fait frissonner l’enfer en tous ses ateliers.
Un chien qui meurt au seuil de la maison du maître
Prononce que l’Etat bientôt va disparaître.
Cheval frappé sur le chemin
Réclame du sang humain.
A chaque cri plaintif du lièvre que l’on chasse
C’est un fil de la cervelle qui casse.
Alouette à l’aile blessée
Un chérubin cesse de chanter.
Le coq dressé pour le combat,
Fait du soleil levant l’effroi.
Tout hurlement de loup, de lion sur la terre
Réveille une âme et la retire hors de l’enfer.
Le cerf errant par les taillis
Tient l’âme humaine hors du souci.
L’agneau prétexte du pêché
Pardonne au couteau du boucher.
Chauve-souris volant lorsque tombe le soir
Fuit l’esprit de celui qui n’a pas voulu croire.
La chouette, dans la nuit, en appelant
Dit la frayeur des mécréants.
As-tu blessé le roitelet ?
Hommes ne t’aimeront jamais.
Qui a mis le bœuf en courroux
De femme n’aura les yeux doux.
L’enfant cruel qui tue la mouche,
L’araignée lui sera farouche.
Qui tourmente du hanneton l’esprit
Tisse une charmille en fin de nuit.
La chenille sur la feuille
Redit de ta mère le deuil.
Ne tue papillon ni phalène
Crainte qu’à Jugement ne viennes.
Qui pour la guerre un cheval dressera
Barre du Pôle jamais ne passera.
Le chien du mendiant, le chat de la veuve,
Nourris-les, tu feras peau neuve.
La mouche qui, chantant l’été, bourdonne
La calomnie vous l’empoisonne.
Poison de vipère et d’orvet
Sous le pas d’Envie il se fait.
Le poison tueur de l’abeille,
L’artiste jaloux le réveille
Les vêtements royaux, les hardes du mendiant
Prolifèrent dans le bagage de l’avare.
Vérité dite à fin méchante
Bat tout mensonge que tu inventes.
Il est bien qu’ainsi tout se fonde :
Pour joie et peine homme fut fait,
Et quand nous savons bien que c’est,
Nous allons saufs de par le monde.
Joie et peine en fin tissage
Habit pour l’Ame divin,
Sous chaque dol et chagrin
Court un fil de soie et de joie.
Plus est l’enfant que son maillot
Chez l’homme, par monts et par vaux.
On fait l’outil, naissent nos mains,
Un fermier comprend ça très bien.
Chaque larme d’un œil tombé
Devient un enfant dans l’éternité
Le recueillent des femmes claires
Et le rendent à sa lumière.
Qu’il aboie ou mugisse ou rugisse ou qu’il bêle,
C’est le Flot qui vient battre le rivage du ciel.
L’enfant criant sous le bâton
Inscrit vengeance chez Pluton.
Les loques de pauvre qui flottent au vent
Disloquent les cieux à chaque moment.
Soldat qui prend l’épée et le fusil,
Pour le soleil de l’été paralysie.
Le sou du pauvre a plus de prix
Que tout l’or des côtes d’Afrique.
Pris des mains du travailleur un seul liard
Achète et vend les terres de l’avare ;
Mais si le vol est d’en haut garanti,
Il vendra et achètera tout ce pays.
Qui rit de la foi d’un enfant
Sera moqué, vieillard, mourant.
Qui enseigne à l’enfant le doute
Hors du tombeau pourri ne trouvera sa route.
Qui respecte la foi de l’enfant,
D’enfer et de mort sera triomphant.
L’enfant a ses jouets, le vieillard sa raisons,
Ce sont les fruits des deux saisons.
Le questionneur assis, avec l’air si malin,
Ignorera quelle est la réponse, sans fin.
Qui répond au doute bavard
Souffle la lumière du savoir.
Le plus fort poison jamais essayé
Vient de César et sa couronne de laurier.
Rien ne défait l’humaine nature
Si bien que le fer des armures.
Quand d’or et de joyaux la charrue s’ornera
L’envie devant les arts de paix s’inclinera.
Énigme, ou chant du grillon
Est au doute un bon répons.
Un pouce pour la fourmi, c’est pour l’aigle une lieue,
Ça prête à rire au philosophe boiteux.
Qui va doutant de ce qu’il voit
Ne croira en ce que tu fais, quoi que ce soit.
Soleil et lune, s’ils entraient jamais en doute,
Ils sortiraient aussitôt de leur route.
En passion tu peux bien faire,
Passion en toi, elle te perd.
Sous licence d’Etat le joueur, la putain,
Pour cette nation bâtissent un destin.
Le cri des filles, de seuil en seuil,
À la vieille Angleterre va tisser son linceul.
Hurrahs et jurons de qui gagne ou perd
Conduisent les funérailles de l’Angleterre.
Chaque soir, chaque matin,
Tels naissent pour le chagrin.
Chaque matin, chaque soir,
Tels pour délices d’espoir.
Tels naissent pour les délices,
Tels pour nuit qui ne finisse.
Un mensonge tu peux le croire
Tant que tu ne vois pas plus loin que ton regard.
Qui naquit une nuit, pour périr une nuit
Quand aux rayons du Jour l’âme était endormie.
Dieu apparaît, Dieu est lumière
Aux âmes ayant en la nuit repaire,
Mais il montre une forme d’homme
À ceux qui dans le Jour ont leur royaume.
William Blake, in Chansons et mythes : poèmes choisis, Ed. La différence, 1989.
Textes traduits de l’anglais et présentés par Pierre Boutang.
William Blake, par Thomas Phillips
c vraiment très profond !
Moi je préfère decker, « black et decker » lol…
C’est une très riche poésie, avec cette jolie perceuse que me chanter mon papa, il y a beaucoup de poussière…
La traduction me semble un peu faible… mais c’est parlant… tels naissent pour des nuits infinies.
Merci pour votre commentaire.
Si vous connaissez une meilleure traduction que celle de Pierre Boutang, je suis intéressé.
Cordialement,
Guillaume Riou
Pierre Leyris dans William Blake Oeuvres II Aubier/Flammarion
Merci pour votre référence. Je vais m’intéresser à cette traduction par Pierre Leyris.
Cordialement,
Guillaume Riou
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c’est exceptionnel