AU PAVOT DE LA SONDE
Je me souviens de l’île et des îlots rosés
Qui flottaient sur la mer ainsi que des corbeilles…
On aurait dit des bateaux fleurs qui appareillent,
Ruisselants de parfums sonores et de baisers…
Dans l’azur tropical, par ces matins grisés,
Je me souviens de l’île, encor, qui m’ensoleille…
Les voix chantent toujours au bord de mon oreille,
Et m’attirent là bas, loin des civilisés !
Ô pavot de Java ! Sombre comme un vampire !
Le suc amer que tu filtras me prend, m’attire,
Et tournoie sur mon songe épuisé de bonheur.
Je tends des bras glacés vers tout l’imaginaire,
Vers l’Orient aigu qui flotte en ta liqueur
Comme en un bol d’onyx tout sculpté de lumière.
Jacques d’Adelswärd-Fersen, in Hei Hsiang : le parfum noir, Ed. Albert Messein, Paris, 1921