DU TRIOMPHE DU TEMPS
J’ai suivi des désirs séducteurs, de trompeuses espérances ; mais j’ai maintenant devant les yeux une glace fidèle, où je me vois moi-même avec toutes mes fautes. Je pense au peu de jours que nous avons à vivre ; et, autant que je le puis, je me prépare à ma fin. Ce matin j’étais un enfant ; je suis à présent un vieillard.
La vie mortelle peut offrir des charmes trompeurs ; mais elle ne brille que d’un vain éclat : c’est un jour nébuleux, rempli de douleurs et de traverses, et qui passe avec rapidité.
Les uns se repaissent d’espérances ; les autres ne cherchent que le plaisir ; d’autres, malgré leur bassesse, élèvent une tête orgueilleuse : mais personne ne sait combien de temps il doit vivre, ni quand il doit mourir.
Je vois fuir ma vie et celle de tous les humains. Le soleil, dans sa course rapide, nous prédit la ruine de l’Univers.
Pétrarque (1304-1374), in Choix des poésies de Pétrarque, traduit de l’italien par Pierre-Charles Lévesque, à Venise, 1774
DEL TRIONFO DEL TEMPO
Seguii già le speranze, e’l van desio :
Or’ ho dinanzi a gli occhi un chiaro specchio,
Ov’ io veggio me stesso, e’l fallir mio :
E quanto posso, al fine m’apparecchio,
Pensando’l breve viver mio, nel quale
Sta mane era un fanciullo, ed or son vecchio.
Che più d’un giorno è la vita mortale
Nubilo, breve, freddo, e pien di noia ;
Che può bella parer, ma nulla vale ?
Qui l’umana speranza, e qui la gioia,
Qu’i miseri mortali alzan la testa ;
E nessun sa quando si viva, o moia.
Veggio la fuga del mio viver presta ;
Anzi di tutti : e nel fuggir del ſole
La ruina del mondo manifesta.
Pétrarque (1304-1374), in Choix des poésies de Pétrarque, Pierre-Charles Lévesque, à Venise, 1774