Sagesse de Sallanches – Texte de Christophe Barbier

Le journaliste politique, directeur de la rédaction de la revue L’express, Christophe Barbier est natif de Sallanches. En décembre 2007, il met à l’honneur cette ville de Haute-Savoie qui lui est chère dans un édito pour la revue hebdomadaire Eco des Pays de Savoie.

C’est dans cette même ville que j’ai passé mes années lycée et, lorsque j’ai lu ce texte, nombre de souvenirs ont refait surface.

Je dédicace ce billet à mon ami et ancien prof de théâtre Jean-Charles Bruel, qui appréciera sans nul doute cette lecture :

Sagesse de Sallanches

Sallanches, c’est, d’abord, un plan. Ce quadrillage régulier, hérité du grand incendie, qui fait de la ville un vaste cahier de pierre, où les piétons griffonnent à l’infini d’abscons couplets.

Sallanches, c’est, ensuite, un panorama. Comme aux premières loges du sublime théâtre évoqué par Victor Hugo, il suffit en la ville de lever les yeux pour être au spectacle grandiose et minéral du mont Blanc.

Sallanches, c’est, enfin, une atmosphère. En la pérenne tranquillité des bourgs d’antan, elle est laborieuse et placide, sûre de son goût du travail et du bien-vivre.

À Sallanches, il y avait le temps des fleurs, enluminant la place Charles-Albert en un corso immobile, lentement rôti par le soleil. Il y avait le temps de la rentrée, aux flaques mordorées et aux pas que l’on presse entre chien et loup. Il y avait le temps de Noël, rempli d’ampoules suspendues et de vitrines lustrées.

Je me souviens des trottoirs non loin du collège, plongeant brièvement sous la voie ferrée. Je me souviens des émotions brûlantes avant d’entrer en scène, salle Léon Curral, avec en tête, qui se bousculent, les mots d’Anouilh ou de Cocteau.

Je me souviens, enfin, des grandes rêveries de grenier, dans les archives municipales. La poussière scintillait sous la cascade de lumière des lucarnes, les vieux dossiers ronflaient, dociles, aux étagères, et craquaient parfois de leurs reliures chenues. En bas, la ville bruissait, loin de son passé. Dans un tube de fer, le plus vieux document de la cité veillait, avec un sceau de cire ébréché en guise de médaille d’honneur. Un testament du Moyen Âge philosophait sous mes doigts : « Rien n’est plus certain que la mort et plus incertain que le moment d’icelle…» Cet habitant oublié, défunt depuis cinq siècles, avait, déjà, la sagesse fameuse des Sallanchards.

Christophe Barbier, in la revue Eco des Pays de Savoie n°50/974 du 14 décembre 2007.

Sagesse de SallanchesSallanches aperçue depuis la route de Cordon

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