Je chante (Kanañ a ran) – Poème de jeunesse d’Yvon Le Men

Aux trois mousquetaires de l’Occident Chrétien
Raymond Cartier, Jean Cau, Michel Droit,
Contre les vampires du monde libre,
Pour qu’ils se meurent demain.

Je chante,
Pour l’Africain né dans cette moisson de peuples
Noirs, nobles et noirs.
Tu portais sur ton épaule
Une histoire particulière
Agonisée sur des ruines
Que seule ta voix peut pleurer.
Là-bas chez ton peuple,
Nul besoin de parler français ;
Le costume rayé
La cravate à pois
Étaient étranges.
Étrangers,
Envahisseurs.
Pourquoi exiler ta peau
Dans cet accoutrement de bienséance colonialiste ?
Tes frères ne sont pas
Les bons noirs civilisés
À qui l’on serre la main plus fort qu’aux autres.
Dans les réunions tapageuses
Sur un humanisme de blanc,
Évoqué
Par ces prêtres anciens missionnaires,
Par ces explorateurs anciens pillards,
Par ces rois de France
Qui ont quitté ton pays
En y imposant à leur place
Des polichinelles à la peau noire,
Ces bons nègres
Envoûtés par Armstrong,
Qui s’appelleront toujours « Tom ».

Tes frères sont des africains
Qui se battent en Afrique.
Des voix qui chantent
Des poèmes figés, il y a deux siècles,
Des mains qui sentent l’odeur de poudre
Éclatée dans les maquis,
Ceux de Guinée-Bissao,
Ceux du Tchad,
Ceux de Madagascar.

Vive la juste lutte du peuple noir,
Vive les écoles de la brousse,
Demain la victoire au peuple noir
Clamaient les cœurs
À quelques milles du golfe de Guinée,
Des hommes de Bretagne,
Qui n’étaient pas la légion étrangère.

Je chante,
Pour le paysan algérien des Aurès
Manœuvre chez Pouteau, dans le bâtiment
À Rennes,
Ouvrier Robot,
Chez Renault,
Assassin au couteau entre les dents,
Violeurs de jeunes vierges
Ratons, fellouzes, bougnouls.
Je chante,
Pour le paysan algérien des Aurès,
Celui qui est né
En 1954, un jour de novembre.
Travailleurs blancs,
Travailleurs émigrés,
Soldats de Verdun,
Engloutis dans les fosses des Maréchaux,
Vainqueurs de la botte allemande
Vernissant le pied de la richesse européenne.
Travailleurs émigrés, travailleurs blancs,
Éclatent une internationale
Déracinant le vieux monde
Dans cette fin du vingtième siècle.
Je chante pour le paysan algérien des Aurès
Celui qui est né en 1954
ET QUI NE MOURRA PLUS
NOUS SERONS TOUS DES INSOUMIS.

Yvon Le Men, in Vie, Ed. Pierre Jean Oswald, 1974

Je chante - Décolonisation

Décolonisation, dessin de Fritz Behrendt, janvier 1960.

Da dri soudard-c’hoariva ar c’hornog kristen
Raymond Cartier, Jean Cau, Michel Droit,
A enep sunerien-gwad ar bed dieub,
‘Vit ma varvint warc’hoazh.

Kanañ a ran,
D’an Afrikan, bet ganet e-touez ar pobloù diniver
Du, a ouenn uhel ha du :
Dougen a raes war da choug
Un istor dit da-unan
O finveziñ ‘kreiz dismantroù
N’eus nemedout a c’hell gouelañ warno
Du-se, e-touez da dud,
N’eus ket ezhomm da gomz galleg.
Ar gwiskamantoù roudennet
Ar c’hravatennoù flamm,
‘Oa iskis,
Estren,
Alouber.
Perak harluañ da groc’hen
E dilhad-mallarje an dereadegezh kolonialour.
Da vreudeur n’int ket,
Ar Vorianed savet mat
A vez stardet tommoc’h an dorn dezhe,
‘Kerz ar bodadegoù trouzus
A-zivout un denelouriezh wenn
Azeulet
Gant ar veleien bet gwechall misionerien,
Gant an ergerzhourien bet gwechall forbaned,
Gant rouanez Bro c’hall,
Kuitaet ganto da Vro
Ha lezet ganto en o roud
Furlukined o c’hroc’hen du :
Ar vorianed vat,
Strobinellet gant Armstrong,
Hag a vo atav Tom.

Da vreudeur zo an Afrikaned
En em gann en Afrika.
Mouezhioù a gan
Barzhonegoù a zo dezhe daou gantved.
Daouarn a zo gante c’hwez ar poultr
Poultr devet er strouezheg.
E Ginea-Bisao,
E Tchad,
E Madagaskar.

Bevet stourm reizh ar bobl du,
Bevet skolioù ar strouezheg,
Warc’hoazh an trec’h gant ar bolb du !
A youc’he ar c’halonoù,
Un toullad levioù diouzh pleg mor Ginea :
Breizhiz,
Ha ne oant ket al Légion étrangère.

Kanañ a ran
Da gouer Aljeriat an Aurez
Darbarer e ti Pouteau, o sevel tiez
E Roazhon,
Micherour-robot
E ti Renault,
Muntrer gant ar gontell ‘tre e zent
Gwaller gwerc’hezed yaouank,
Ratoñ, fellouz, bougnoul.
Kanañ a ran
Da gouer Aljeriat an Aurez
D’an hini bet ganet
E 1954, un devezh a viz Du.
Micherourien wenn,
Micherourien harluet,
Soudarded Verdun,
Lonket e fozioù ar Varichaled
Trec’h war an Alaman gwasker
A lipe botoù pinvidien Europa.
Micherourien wenn,
Micherourien harluet,
Ra darzho un etrevroadelouriezh
A zismantro ar bed kozh
E dibenn an ugentvet kantved.
Kanañ a ran da gouer Aljeriat an Aurez,
D’an hini bet ganet e 1954
HA NA VARVO KEN.
HOLL E VEZIMP E-MAEZ AL LEZENN

Yvon Le Men, in Vie, Ed. Pierre Jean Oswald, 1974
Poème traduit en breton par un collectif sous la direction de Per denez


Clefs : anticolonialisme | exploitation | dénigrement | ouvrier | Aurésien | indignation | insoumission | espoir | polémistes | brezhoneg | barzhoniezh | barzh | Pierre Denis (1921-2011)
Partager
Facebooktwitterredditpinterestlinkedintumblr
Lien pour marque-pages : Permaliens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *