J’aimerais m’en aller – Poème de Marcel Maillet

Ce poème de Marcel Maillet est celui qui me touche le plus. Sans doute parce que j’y retrouve mes racines et ma terre, mais aussi parce qu’il a une véritable musicalité imprégnée de mysticisme.

À chaque lecture ou écoute de ce texte, je vibre au fil des vers. Son lyrisme m’emporte dans un flot mêlant imaginaire et souvenirs. Je sens les embruns marins, l’odeur des fougères et de l’arène granitique.

J’ai témoigné à Marcel Maillet de la force que je perçois dans son poème. Force métaphysique, par son thème et force physique par les matières bretonnes dont il est pétri.
Il a eu la gentillesse de me le communiquer dernièrement et je le partage ici avec tous ceux qui, comme moi, aimeraient s’en aller à la manière du poète.

J’aimerais m’en aller comme meurent les navires
au cimetière marin de Lanvéoc en Finistère
Gisent leurs carcasses grises
sur le suaire de la mer
Leurs poumons sont pourris dans les cages d’acier
et leurs moignons rouillés
se dressent vers le ciel
comme des poings gantés de fer

J’aimerais m’en aller comme meurent les calvaires
au carrefour des chemins creux
à Tronoën
où les âmes défuntes mènent leurs erres
Le sel et les embruns rongent leurs âmes de granite
et les croix de leurs bras tendus
pleurent sur les fougères
la tendresse des pluies

J’aimerais m’en aller comme meurent les pétrels
en leurs enfeus de pierre
aux falaises du cap Sizun
où l’océan forge ses lames de fer
Ils dorment aux entrailles des parois
Leurs fragiles esquifs sont aux grèves de mer
aux rochers et au noroît

J’aimerais m’en aller comme meurt le chevalier
dans son enclos de Guimillau
où les preux de jadis menaient guerre
Il vient sur le parvis de la prédelle
avec à ses épaules
son pauvre arroi d’humanité
Il offre sa tête dans la corbeille de ses mains
Humblement il implore le pardon
il demande la merci

J’aimerais m’en aller comme mourrait un errant
au dernier jour de troménie à Locronan
au pays bleu des fins de terre
Au soir il s’adosserait au talus du chemin
Sous sa nuque il aurait
la fleur du coquelicot
un bouquet de marjolaine
et ses yeux quand la nuit le prendrait
resteraient grand ouverts sur le ciel étoilé

Marcel Maillet

Scène de Cornouaille - Peinture - J'aimerais m'en aller
Scène de Cornouaille – Artiste inconnu – Huile sur toile très usée

Clefs : fin de la terre | mystique
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