Bistrots audiernais – Poème d’Yvonne Guézengar

Au fait de ma passion pour la poésie, ma grand-mère (Anna Oswald) vient de me communiquer des poèmes d’auteurs qui vécurent à Audierne, ce charmant petit port du Cap-Sizun.

Je connais bien Audierne pour y avoir passé d’inoubliables moments de bonheur en famille. Mais je le redécouvre sous un aspect plus historique au fil des vers des Guézengar.
Le poète Daniel Guézengar, alors bien connu des audiernais, croquait entre autres le port breton, ses lieux de vie, ses paysages, ses habitants. Et j’ai appris, par le biais de leur fille qui m’a laissé un commentaire sur cet article, que son épouse Yvonne Guézengar (née Yvonne Kersaudy) écrivait également des poèmes.

Egarée aux oubliettes de l’histoire, leur œuvre poétique mérite d’être mise en lumière. Retrouvons ensemble l’Audierne des Guézengar.

Pour commencer, trinquons : yecʼhed mat ! Je vous propose d’explorer Audierne par ses bistrots de l’époque, sous le regard tendre et amusé d’Yvonne Guézengar :

BISTROTS AUDIERNAIS

 

Salut à toi, Audierne, ô pays des bistrots !
Bistrots des quais brumeux, odorants de vin rouge,
Et bistrots enfouis dans les rues loin des flots
Bruyants et enfumés, obscurs comme des bouges.

Bistrot « Au Vatican » où il fait bon, à l’heure
Du soleil de midi, boire son muscadet,
En disant un bon mot, une histoire meilleure
Où le rire parfois se termine en hoquet !

Ô bistrot de Paulette, ancré près de la place !
Tu es le saint des saints, où du matin au soir
Les yeux sur leur Pernod, discutent ou rêvassent
Des chœurs d’adorateurs, les coudes au comptoir.

Bistrot privilégié, qu’on nomme « Bergerac »,
Où l’on sirote heureux apéros et chopines,
Mais où l’on trouve aussi, doux et fort, le tabac.
Cigarette et alcool : ces deux drogues divines !

Bistrot de « Tante Zine », annexe du garage,
« Zine » est morte à présent, mais reste le bistrot.
« Nette » a pris la relève, et de son geste sage
Verse le beaujolais aux ouvriers de Jo .

« Escale » des marins, « Escale » de l’hospice,
Tu es pleine de cris des jeunes insouciants.
Tu es récréation des vieillards seuls et tristes
Cherchant un peu de joie et d’oubli en buvant.

Si l’on rêve départ, on entre chez « Biger ».
On boit un bock mousseux, ou tout autre breuvage
Et l’on consulte en paix le choix des chemins de fer,
Et le prix des billets et celui des bagages.

Et toi, petit bistrot*, tout près du cimetière,
Où l’on arrose ensemble, avec bruits et fracas,
Le copain décédé qu’on a conduit en terre.
Qu’on est heureux chez toi, après le Libéra !

Que serais-tu Audierne, sans tes petits bistrots ?
C’est là que l’on oublie, c’est là que l’on espère.
La vie et ses soucis, la terre et tous ses maux
S’effacent au plaisir d’ivresses mensongères !

Que serais-tu Audierne sans tes petits bistrots ?
Tu serais le printemps sans ciel bleu, sans primevères,
Tu serais à l’hiver, le froid sans brasero,
Et tu serais l’été, sans soleil, sans lumière.

Tu serais l’océan sans étoile et sans phare,
Tu serais le violon sans son archet vibrant,
Tu serais le hippie sans ses airs de guitare,
Tu serais le désert, tu serais le Néant !

 

Yvonne Guézengar. Poème publié par Paul Cornec dans Audierne Magazine, bulletin municipal de juin 2015.

Merci à Maryvonne Guézengar (voir commentaires ci-après) pour m’avoir aidé à identifier l’auteur, que je pensais être le poète audiernais Daniel Guézengar et qui s’avère être sa femme.

* Il s’agit du bistrot « Ti plad » (maison plate) qui était tenu par mon arrière-grande-tante Yvonne Villieu.

 

audierne-le-quai-jean-jaures-coll-BordasLe quai Jean Jaurès, où se concentraient de nombreux bistrots audiernais
– Carte postale de la collection de Roland Bordas –

Partager
Facebooktwitterredditpinterestlinkedintumblr
Lien pour marque-pages : Permaliens.

2 Commentaires

  1. on imagine facilement l’ambiance de ce village et toi qui en connais les rues tu dois y prendre beaucoup de plaisir

  2. GUEZENGAR Maryvonne

    Je suis la fille de Daniel GUEZENGAR. Ce poème n’a pas été écrit par lui mais par ma mère, Yvonne GUEZENGAR. D’ailleurs M. CORNEC l’a fait édité dans la revue municipale d’Audierne cette année.
    Cordialement
    Maryvonne

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *