Banian de Madras – Poème de Jean Orizet

BANIAN DE MADRAS

À Madras, dans le parc de la Société théosophique, se dresse un banian : il est censé être le plus vieux du monde. Son immobilité n’est qu’apparente; siècle après siècle il se déplace en se multipliant selon un cycle végétatif qui s’exerce de bas en haut comme de haut en bas : les racines, jaillissant vers la lumière, deviennent troncs, branches, et celles-ci, redescendant vers le sol pour y pénétrer, s’y font racines à leur tour, lesquelles engendreront d’autres troncs, d’autres branches aussi. Des fûts se dressent, s’entrecroisent et l’arbre, doucement, forge sa propre cage dont il est à la fois l’otage et le gardien ; mais jamais celle-ci ne pourra l’enfermer puisqu’il saura bientôt créer une autre cage.

Dans ce lacis végétal vit un peuple de serpents et d’oiseaux dont les petites morts suspendues entre terre et ciel sont les seuls repères possibles à notre perception d’infirmes voulant piéger la durée, face au temps ligneux du banian qui, dans le lent secret des sèves, s’engendre de lui-même pour agrandir sans fin en une cathédrale baroque l’espace de son mouvement.

Jean Orizet, in Dits d’un monde en miettes, Ed. Saint-Germain-des-Prés, 1982

Banian de Madras

Le grand banian de la Société théosophique d’Adyar à Chennai (Madras)


Clefs : banyan | Chennai | cycle | Ficus benghalensis | figuier des banians | சென்னை
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